Brèves considérations juridiques sur la banque de cerveaux de Genève
Par le Dr. Nicolas Tschumy
La constitution et l’utilisation d’une collection d’éléments de corps humains telle que la banque de cerveaux de Genève soulèvent différentes questions juridiques. Les enjeux principaux se concentrent autour de deux questions :
1- Quelles sont les conditions à respecter pour prélever et conserver les cerveaux de personnes décédées et,
2- Quelles sont les conditions pour les (ré)utiliser dans le cadre de projets de recherche contemporains ?
L’ordre juridique suisse reconnaît à toute personne le droit de disposer de son cadavre dans les limites de la loi, de l’ordre public et des bonnes mœurs.
Ce droit est un élément de la liberté personnelle protégée par l’art. 10 al. 2 de la Constitution fédérale et un droit de la personnalité au sens de l’art. 28 du Code civil. Ainsi, un acte sur le corps d’une personne décédée doit en principe reposer sur son consentement, exprimé de son vivant. Si celle-ci n’a pas fait part de sa volonté – ce qui est fréquent en pratique – le droit de disposer du cadavre revient à la personne la plus étroitement liée avec le défunt. Généralement, il s’agit de la personne qui partageait la vie du défunt (conjoint, partenaire enregistré ou concubin), subsidiairement ses enfants, ses parents et enfin ses frères et sœurs. Les proches en question doivent toujours respecter la volonté présumée du défunt.
Il existe par ailleurs des législations spécifiques concernant certains actes sur un cadavre. Par exemple, l’autopsie médicale, qui vise à expliquer les causes d’un décès naturel, est réglementée au niveau cantonal. À Genève une autopsie médicale ou un prélèvement sur un cadavre doivent être autorisés par le consentement exprès du défunt ou de ses proches, la volonté de la personne décédée devant toujours être respectée (art. 70 al. 1 de la loi genevoise sur la santé).

Selon la loi fédérale relative à la recherche sur l’être humain (LRH), une recherche peut être pratiquée sur le corps d’une personne décédée – a fortiori une partie du corps – si deux conditions sont respectées : le consentement de cette personne à l’utilisation de son corps à de telles fins et le constat du décès (art. 36 et 37 LRH). Cette loi prévoit toutefois des conditions facilitées si la personne est décédée plus de septante ans auparavant : dans ce cas, une recherche est possible, sauf si les proches manifestent leur désaccord. De plus, si des substances corporelles sont prélevées dans le cadre d’une autopsie ou d’une transplantation, une quantité minime peut être utilisée sous forme anonymisée à des fins de recherche sans qu’un consentement soit nécessaire, pour autant qu’il n’existe aucun document attestant le refus de la personne décédée (art. 38 LRH). Enfin, les projets de recherche doivent être autorisés par une commission d’éthique (art. 45 LRH).
Au-delà de ce (très bref) survol de ces deux aspects principaux, une collection comme la banque de cerveaux de Genève suscite de nombreuses autres interrogations juridiques, notamment la question du statut des pièces qu’elle contient, mais également des problématiques de droit dans le temps compte tenu de l’ancienneté de la collection et de l’évolution du cadre légal.
Ces questionnements constituent un vaste champ de recherche potentiel, ce d’autant plus si l’on tient compte du fait qu’il existe de très nombreuses collections d’éléments de corps humains dans le monde, et que la législation applicable est différente dans chaque État (ou chaque canton en Suisse).
Pour aller plus loin :
Nicolas Tschumy, Le corps humain après le mort – Le statut du cadavre en droit suisse, thèse Lausanne, Stämpfli éditions/RMS éditions, Berne 2022, disponible en libre accès sur SERVAL (serveur académique lausannois).